Leave / trace. GRISHA SHAKHNES
(Glistening Examples 2013)
Review by Daniel Crokaert
Already praised for many impactful works under the MITES alias, Grisha Shakhnes officiates now under his own name, extending his nonconformist path…
This change coincides with his vinyl debut…
Even though the core and the very structure of the music are based upon live & real-time tape manipulations, collage & alteration processes, “leave/trace” marries here truly to the selected format…
“A man asleep”, the initial piece, gives the impetus…the needle keeps stuck between 2 grooves, the crackling is amplified, and endowed with motion, generating a self-propelled rhythm…
around this rhythmic spine, different levels organize themselves in frictions, in perpetual contrasted linear progression…
this creates a range of multiple entry & exit points, and an impression of constant metamorphosis, an effect of ceaseless renewed listening…
like in the past, and maybe even more, the field recording ingredient proves to be central, even founding…
it literally haunts the music and its montage, imparting a strong coherence…
Tapes are slowed down, juxtaposed, rearranged, criss-crossed, and lead inevitably to this sense of unreeling with a dusty breath…
Come out of a “Silent Hill” like fog, one discerns hoarse gears, and tattered mechanisms, and a parade of everyday debris weaving a merciless back weft bordering on the incantatory…
Marks and obliteration, vague stigmata of a certain unease…
“leave/trace” is made up of faults, wanderings, jolts, scratches, and of everything that betrays accident…
In the second track notified by a simple dash sign as title, family photo looks exude…a playground, children voices, the humming of some close motors, and essentially the squealing of old exhausted swings; the unexpected emergent worn out melody bumps into a locked groove forming a sound loop one clearly hesitates in stopping and which delivers an aural hallucination of the best taste…
the inaugural piece of the second side, “A man aflame” is still anchored into this idea of sound tracking shot…
a radio heard through a wall, the buzzing of a speaker left on, some more sharp, more nervous cracklings…incisive turbulences where darkness looms, and then in a heady reminder, the comeback of the swaying swings generating a fascinated fear…
The last piece “leaving traces in a living light” exhales some clinkings, the bubbling of liquids, backward sonorities, blurred touches…
Dream in the hold bottom, propagator of a cracks poetry, “leave/trace” is abrasive, rough, untamed – it lives !
Carrying out a slow drilling of the memory, it reaches its innermost layers, the deepest unconscious…
The abstract tale which ensues is incredibly powerful…
A firmly MAJOR work in the high firmaments of a contemporary musique concrète…
and a downright invitation to the behind of the scenes…
[Grisha Shakhnes; photo courtesy of Sudden Infant]
– Translation to French-
Déjà encensé pour plusieurs oeuvres de poids sous le pseudo MITES, Grisha Shakhnes officie dorénavant sous son propre nom, prolongeant sa trajectoire anticonformiste…
Ce changement coïncide avec son premier travail vinylique…
Bien que le coeur et la structure même de sa musique s’appuyent sur des prestations avec manipulation de cassettes en temps réel, et des procédés de collage et d’altération, “leave/trace” épouse ici véritablement le choix du format…
“A man asleep”, la pièce initiale, donne l’impulsion…L’aiguille reste scotchée entre 2 sillons, le crachotement est amplifié, et doué de mouvement, générant un rythme auto-propulsé…
autour de cette échine rythmique, s’organisent différents niveaux qui se rencontrent en frictions, en progression linéaire perpétuellement contrastée…
cela crée un éventail de multiples points d’entrée et de sortie, et une impression de constante métamorphose, un effet d’écoute sans cesse renouvelée…
comme par le passé, et peut-être plus encore, l’ingrédient “field recording” s’avère central, voire fondateur…
celui-ci hante littéralement la musique et son montage lui imprimant une forte cohérence…
les bandes sont ralenties, juxtaposées, réagencées, entrecroisées et amènent inévitablement à cette sensation de défilement à la respiration poussiéreuse…
Sortis d’un brouillard à la “Silent Hill”, l’on discerne des engrenages enroués, et des mécaniques fatiguées, et une parade d’autres débris du quotidien tissant une impitoyable trame de fond confinant à l’incantatoire…
Empreintes et oblitération, stigmates diffuses d’un certain malaise…
“leave/trace” se compose de failles, d’errances, de sursauts, d’éraflures, de tout ce qui trahit l’accident…
Dans la deuxième plage signalée d’un simple trait en guise de titre, sunitent des allures de photo familiale…une plaine de jeux, des voix d’enfants, le ronron de moteurs proches, et essentiellement le crissement de vieilles balançoires éreintées ; l’inopinée mélodie usée émergeante bute dans un sillon clos formant une boucle sonore qu’on hésite à interrompre et qui délivre une hallucination auditive du meilleur aloi…
La pièce inaugurale de la deuxième face, “A man aflame” est encore ancrée dans cette idée de travelling sonore…une radio entendue au travers d’un mur, le bourdonnement d’une enceinte non éteinte, des crépitements plus secs, plus nerveux…turbulences incisives où la noirceur guette, et puis dans un rappel entêtant, le retour du bercement des balançoires générant une peur fascinée…
La dernière pièce “Leaving traces in a living light” exhale quelques entrechoquements, le bouillonnement de liquides, des sonorités inversées, des touches de flou…
Rêve en fond de cale, propagateur d’une poésie des lézardes, “leave/trace” est rêche, rugueux, indompté, il vit !
Effectuant un lent percement de la mémoire, il atteint ses couches les plus intimes, l’inconscient le plus profond…
Le récit abstrait qui en découle est incroyablement puissant…
Une oeuvre résolument MAJEURE dans les hauts firmaments d’une musique concrète contemporaine…
une franche invitation aussi à l’envers du décor …
