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Berlin fields. STEVE RODEN
(3Leaves 2012) 

“Et toi, tu veux que je ne cesse pas
De regarder, écouter, voir, entendre,
Tu as même des mots à me proposer
Pour que je voie plus loin et sache plus.”
Yves Bonnefoy, Voix sur le fleuve.

C’est avant tout un récit qui prend une forme épistolaire puisque le livret intérieur reprend une lettre que Steve Roden adresse à Ákos Garai du label 3Leaves où est paru ce disque. L’artiste, comme souvent, a pris le temps d’expliciter sa démarche, ajoutant à sa lettre une liste des lieux et des objets enregistrés. Cette attention n’est pas tant pour nous donner un concept prêt à penser sur son oeuvre, mais bien plutôt pour faire place nette et ainsi nous rendre pleinement disponibles à l’écoute de sa création.

De cette démarche Steve Roden nous offre un voyage sonore captivant, tantôt immobile, tantôt en mouvement, de son corps dans la captation, des passants à l’entour, il passe de la contemplation à l’action, joue et manipule les objets de son quotidien. Une impression de sérénité se dégage de cette approche, caresses, frôlements, subtile incarnation où vient se contextualiser le lieu quand détail et impression d’ensemble se juxtaposent. Il n’est pas ici question de faire abstraction de l’humain dans le paysage sonore, tout cherche au contraire à cohabiter dans la paix des objets retrouvés, convoquant les vivants et les morts dans des lieux chargés de mémoire (la salle de lecture des Archives Walter Benjamin à Berlin, le Mémorial des Martyrs de la Déportation à Paris).

L’écoute devient intense, une intimité se crée par le biais du field recording. Nous accompagnons Steve Roden dans son errance, et le silence qui confine à la solitude (cette solitude nécessaire à l’écoute), nous dévoile un espace bien plus peuplé que nous ne l’imaginions de prime abord.

Et comme un alchimiste médiéval Steve Roden parvient pour notre plus grand émoi à métamorphoser avec brio la banalité du quotidien en quelque chose d’infiniment précieux, des vignettes sonores qui nous accompagneront longtemps, oui, longtemps.

-Flavien Gillié

(Translation to English)

 “And you, you want me not to stop
Looking, listening, seeing, hearing,
You even have words to offer
For me to see further and know more. ”
-Yves Bonnefoy, Voix sur le fleuve.

This is, above all, a story taking an epistolary form as the booklet contains a letter from Steve Roden to Ákos Garai, director of the label 3Leaves who released this disc. As usual, the artist took the time to explain his approach, adding to his letter a list of recorded places and objects. Not so much to give us a ready-made concept of how to think about his work, but rather to remove this question entirely and make us completely present as we listen to his creation.

From this approach, Steve Roden offers us the fascinating sonic journey, sometimes stationary, sometimes moving, of his body amidst the recording of bystanders all around him. He alternates between contemplation and action while playing with and manipulating objects in his daily life. A feeling of serenity emerges from this approach, whith caresses, light touches, and subtle incarnations where the place becomes contextualized, where details and overall impressions are juxtaposed. The point, here, isn’t to disregard humanity within the soundscape. On the contrary, everything strives to live within the peace of objects found again, calling for the living and the dead in places loaded with memory (Walter Benjamin’s Archive Reading Room in Berlin, the Mémorial des Martyrs de la Déportation in Paris).

Listening to the album becomes intense, as an intimacy is created through the process of field recording. We go along with Steve Roden in his wanderings, and find the silence, bordering on loneliness (the same solitude that is necessary for the listening process), revealing a much more populated place than we first imagined.

And like a medieval alchemist, Steve Roden manages to deeply touch us as he brilliantly transforms the banality of everyday life into something infinitely precious; into sound images that will accompany us for a long time. A long time indeed.

-Flavien Gillié, translation by Rodolphe Gonzalès

Steve Roden website
3Leaves website