Shards Of Splinters – Fragments Of Scratches /
Killustiku Killud – Kriimude Killud.
TARAB -Eamon Sprod-
(Semperflorens 2012)
Review by Daniel Crokaert
Actuator of sonorities & tireless surveyor, Eamon Sprod (Tarab) goes through his environment on the permanent alert, on the watch for sound potentialities, meeting things as if they were fragments of a story in a continual state of flux, and in which he wants to involve us…
This very meticulous, invested, last-ditcher approach is the foundation of a detailed and filmic composition where one feels no joins…
As the eye of the good photographer catching a particular light, a flicker or executing a singular framing, Eamon’s ears record the contrasts, the textures, anticipating the interaction of the materials…
In a step integral with Arte Povera, he takes the time to settle in front of the scraps, the waste thrown out by our consumption society, and integrates them into his creation process, giving them a new boost, a poetic force…
Traces collection, work of memory preservation, but also plays with the in situ found elements, quest for underlying connections, aesthetics of the quotidian…
“Shards of Splinters – Fragments of Scratches/ Killustiku Killud – Kriimude Killud” draws from sounds garnered during a residency at MoKS in Estonia…These, laced with others, drifted from Felicity Mangan’s & John Grzinich’s practices have been de-rushed, then long matured over a period of 3 years, and remounted according to their intrinsic affinities in three pieces forming a soundscape that is listened to like a walk into the unknown…
The first steeped in currents, and a rural respiration extricates itself from the vegetable to give birth to a rough drone, offspring of metallic scrapings against stone, and of surfaces contact…then shifts to a reverie fed by the intertwining of different planes : a few muffled voices, bird calls, some barking, the own gestures of the field recordist… maybe a bark which creaks under Aeolus’action, an old seized up roundabout…after a short gap, the second piece is another wind tale…the debris are activated…one hears chirpings, the emergence of a motor roaring…the air spreads, but seems suspended…the third sequence begins on the stirring of pebbles, glass, ceramic pieces, the echo of an hollow space filled with liquid and brought to life by a projectile…again, a purring drone, then the resonances of a metal tube dragged on the ground…in its centre, a deflagration as starting point of a multitude of other lines…all in all, an orchestration of the matter…
Tarab’s work takes shape from asperities, collisions, all erosion shown off…not a lot of peace, or tepid sweetness in this world ceaselessly on the edge…More of a constant lucidity, the hunt for the sudden burst, a way of educating us to perceive, discern the splendour in the immediate torn background…“Shards of Splinters – Fragments of Scratches/ Killustiku Killud – Kriimude Killud” claws us, unfolding under its raw appearances a profound ode to space & time…
Largely beyond field recordings as pure documentation,here, their remelt in a multifaceted vibrant composition propels us in a grid, magnified territory, bearer of hope of which we become the actors ourselves…
[Eamon Sprod courtesy of Forepaw]
– Translation to French-
Déclencheur de sonorités et arpenteur inlassable, Eamon Sprod (Tarab) traverse son environnement en alerte permanente, à l’affût des potentialités sonores, à la rencontre des choses, comme s’ils s’agissaient de fragments d’une histoire en devenir, et dans laquelle il veut nous impliquer..Cette approche investie, minutieuse, jusqu’au boutiste est la fondation d’une composition fouillée et filmique où jamais on ne sent les raccords…
Tout comme l’oeil du bon photographe capturant une lumière particulière, un éclat, ou effectuant un cadrage singulier, l’oreille d’Eamon consigne les contrastes, les textures, anticipe l’interaction des matériaux…Dans une démarche solidaire de l’Arte Povera, il prend le temps de se poser devant les rebuts, les matières rejetées par notre société de consommation, et les intègre à son processus de création leur prêtant un nouvel élan, une force poétique…
Relevé de traces, travail de préservation de la mémoire, mais aussi jeux avec les éléments in situ, recherche de liens sous-jacents, d’une esthétique du quotidien…
“Shards of Splinters – Fragments of Scratches/ Killustiku Killud – Kriimude Killud” puise ici dans les sons récoltés lors d’une résidence au MoKS en Estonie…ces sons, additionnés d’autres dérivés des pratiques de Felicity Mangan et de John Grzinich, ont été dérushés, puis longuement mûris sur une période de trois ans et remontés en fonction de leurs affinités intrinsèques en trois pièces formant une composition qui s’écoute comme une promenade dans l’inconnu…
La première pétrie de courants et d’une respiration champêtre s’extirpe du végétal pour donner naissance à un drone rugueux, fruit de raclements de métal sur de la pierre, et du contact des surfaces…puis bascule dans une rêverie nourrie par l’entrelacement de différents plans : des voix, des appels d’oiseaux, quelques aboiements, les gestes mêmes du preneur de sons…peut-être une écorce qui grince sous l’action du dieu Eole, le tournis d’un vieux carousel grippé…après une courte césure, la deuxième pièce conte encore le vent…les débris sont activés…on entend des pépiements, ensuite l’émergence d’un vrombissement de moteur…l’air colporte, mais semble comme suspendu…
La troisième séquence embraye sur le remuage de cailloux, de morceaux de verre, de céramique, l’écho d’un espace creux rempli de liquide et activé par un projectile…de nouveau un drone ronronnant, puis les résonances d’un tube métallique traîné sur le sol…en son centre, une déflagration comme point de départ d’une multitude d’autres lignes…en fin de compte une orchestration de la matière…
L’oeuvre de Tarab prend forme à partir des aspérités, des collisions, toute érosion exhibée…peu de quiétude, ou de tiède douceur dans ce monde sans cesse sur le fil…plutôt une lucidité de tous les instants, la poursuite du sursaut, une façon de nous éduquer à percevoir, à discerner la splendeur dans le décor déchiré immédiat…
“Shards of Splinters – Fragments of Scratches/ Killustiku Killud – Kriimude Killud”nous griffe, déroulant sous ses allures brutes une ode profonde à l’espace et au temps…
Bien au-delà de field recordings comme pure documentation, ici, leur refonte nous propulse dans un territoire quadrillé, magnifié, porteur d’espérance, dont nous devenons nous mêmes les acteurs…